Connaissez-vous l’empreinte carbone d’un spot publicitaire ?
Publié le 22 avril
par Alice Gaulier
6 min. de lecture
Publié par Alice Gaulier
Mis à jour le 23 avril
6 min
Diffuser son spot publicitaire est toujours un moment déterminant pour l’image d’une entreprise. En amont, sa conceptualisation mobilise de nombreuses personnes, et les quelques jours de tournages sont des moments intenses.
Ce type de tournage est une occasion de plus pour une entreprise d’émettre des gaz à effet de serre et donc d’alourdir son empreinte carbone. Pour une entreprise comme Shine, qui mesure et veut réduire son empreinte, il était évident de tout mettre en œuvre pour comprendre et limiter au maximum les émissions du tournage de ce spot.
Pourquoi un tournage émet beaucoup de CO2 ?
Un tournage, c’est toute une aventure ! Et c’est une aventure qui peut être très coûteuse en CO2…
Le transport
Le premier poste d’émission est souvent celui lié au transport. Il est très fréquent que les tournages prennent place loin du siège de l’entreprise (en Europe de l’Est ou dans des destinations ensoleillées), afin de bénéficier d’une main-d'œuvre moins chère et d’un ensoleillement presque certain. D’ailleurs, vous pouvez être presque sûrs qu’une publicité qui sort au printemps avec des scènes en extérieur au soleil a été réalisée loin ✈️ : les publicités sont tournées quelques mois avant diffusion, et l’hiver français n’offre pas les garanties d’ensoleillement recherchées !
Les achats réalisés
Deuxièmement, les achats réalisés pour le tournage pèsent lourd dans la balance : fabrication de décors, accessoires en tout genre, habits, maquillages, coiffure… Acheter du neuf, c’est plus rapide et plus pratique, et c’est souvent ce qui est choisi.
L'alimentation énergétique
L'alimentation énergétique peut avoir un fort impact suivant les choix qui sont faits. Opter pour un groupe électrogène au fioul est pratique et peu coûteux, mais pèse lourd dans le bilan.
La restauration
Enfin, un autre poste d’émission est celui de la restauration des équipes : l’offre restaurative est rarement végétarienne, plutôt à base de viande ou de poisson. En pondérant avec le nombre de personnes présentes, ce poste est loin d’être anecdotique !
La question à plusieurs tonnes de CO2 : comment réduire l’empreinte de notre tournage ?
Nous n’en sommes pas à notre coup d’essai : notre premier spot publicitaire a été tourné en 2021, pour une diffusion en 2022.
Nous avions alors déjà mis en place plusieurs mesures fortes, comme celle de localiser notre tournage à Bruxelles, accessible en train.
Pour aller encore plus loin, nous avons fait appel pour ce nouveau tournage à l’agence de conseil en éco-production A Better Prod, spécialisée dans les domaines de la publicité et la télévision.
Concrètement, voici quels ont été les axes de travail :
1. Transport
Pour éviter d’utiliser l’avion, nous avons à nouveau choisi de réaliser le tournage à Bruxelles, destination accessible en train depuis Paris.
2. Alimentation
Nous avons demandé à ce que les repas soient exclusivement végétariens. C’est un levier qui a un impact important. Par exemple, en termes de CO2, un repas avec du bœuf équivaut à 14 repas végétariens !
3. Achat
Privilégier des décors naturels au lieu d'en construire de toutes pièces fut l'un de nos objectifs. Par exemple, la scène dans le salon de toilettage a été tournée dans un salon existant dont simplement la décoration a été refaite. Nous avons aussi souhaité limiter au maximum les achats de neuf, ainsi que bannir le plastique (les gourdes et éco-cups étaient de sortie).
Une empreinte carbone totale estimée à 11 tCO2e
Alors, comment nous en sommes-nous sortis ? Tout n’était pas parfait : nous n’avons pas réussi à bannir complètement l’usage de l’avion (deux personnes venant de loin, sur la cinquantaine présente), des entrées avec bœuf ont été servies, des achats de neuf ont été réalisés, un groupe électrogène au fioul a été utilisé.
Mais regardons aussi les bonnes choses :
la majorité des personnes s’est déplacée en train ;
il n’y avait pas de plastique à usage unique sur le tournage ;
les déchets ont été triés ;
aucun achat en maquillage / coiffure n’a été fait ;
des décors naturels ont été utilisés ;
l’empreinte numérique a été limitée avec des vidéos tournés en HD.
Mais surtout, de nombreuses personnes ont été sensibilisées à la question, et ça, c’est difficile à compter… mais ça compte !
Voici la synthèse telle qu’exposée par A Better Prod pour résumer ce qui a été très bien fait et ce qui aurait pu être mieux fait :
L’ensemble du spot publicitaire a été estimé par l’agence à 11 tonnes. C’est principalement le moment du tournage qui pèse dans la balance (82 % du total). Et en regardant le détail poste par poste, ce sont les achats effectués pour le tournage qui sont largement en tête, suivis par le transport. À eux seuls, ces deux postes totalisent les deux tiers du bilan :
Et si on était parti en Afrique du Sud pour le tournage ?
Ce choix n’est pas anecdotique : comme je vous disais plus haut dans l’article, pour limiter les coûts et garantir un bel ensoleillement, les tournages sont souvent réalisés loin, voire à l’autre bout de la planète. L’Afrique du Sud voit très régulièrement débarquer des équipes de tournage pour quelques jours, avant de s’en retourner vers des pays moins ensoleillés, pub en poche.
À quoi ressemblerait notre bilan carbone si nous avions opté pour cette destination ? L’agence ayant réalisé le bilan carbone estime que le total de l’empreinte aurait été multiplié par 5, pour grimper jusqu’à 50 tonnes de CO2e. C’est beaucoup et cela aurait pesé lourd dans le bilan total de Shine : en 2023, nous avons estimé notre empreinte globale à 850 tonnes de CO2. Y rajouter 10 ou 50 tonnes, ce n’est pas la même chose !
Partir loin n’est pas seulement une question d’ensoleillement : la main-d'œuvre y est souvent moins chère. Opter pour un tournage à Bruxelles, ce n’est pas seulement affirmer notre engagement environnemental, mais c’est aussi affirmer notre engagement social, en étant en mesure de garantir que le droit du travail soit respecté sur l’ensemble des étapes.
Rester aligné avec ses valeurs a un coût : les charges sociales en Belgique sont plus élevées que dans d’autres pays, ce qui fait grimper l’addition finale. Mais nous faisons le choix de pouvoir assurer de bonnes conditions de travail.
Faire encore mieux : embarquer toute la chaîne de production
Forts de ces deux expériences, nous avons une meilleure visibilité sur les éléments qui nous semblent importants à garder en tête dans le cas où nous nous lançons à nouveau dans un tournage de spot publicitaire.
Intégrer ces questions dès le brief initial : ainsi, les contraintes seront intégrées dès la création du spot, ce qui permet d’éviter certains casse-têtes en cours de route. Par exemple, pour éviter de chercher un lieu avec l’ensoleillement idéal, il suffit de prévoir des scènes uniquement en intérieur.
Faire passer le message : un tel tournage de publicité implique plusieurs intermédiaires (nous mandatons une agence créative, qui à son tour mandate une boîte de production exécutive, qui fait appel à différentes personnes…). Il y a donc un risque de dilution de l’information et des valeurs originelles, comme ce fut le cas pour nous. Il est donc nécessaire d’être plus proche de ces intermédiaires pour s’assurer que le message passe, mais surtout, il est nécessaire que l’ensemble de la chaîne de production intègre ces nouvelles pratiques.
C’est souvent le même constat : agir en tant qu’acteur isolé est compliqué. Il faut progressivement que l’ensemble de l’industrie intègre ces façons de penser et de faire. Alors même si tout n’est pas parfait, nous contribuons à notre échelle à faire avancer les choses dans le bon sens !